Les montagnes provençales
ormis la plaine de la Durance, quelques vallées et plateaux, la Provence est un pays de montagnes : Mont Ventoux, Monts de Vaucluse, Alpilles, Luberon, Montagne de Lure, Montagne Sainte-Victoire, Massifs de la Sainte-Baume, des Maures, de l’Esterel, Chaîne de l’Estaque… Toutes, elles offrent des paysages tourmentés, sauvages, changeants, fascinants.
« Quel élan, quelle soif impérieuse de soleil, et quelle mélancolie, le soir, quand toute cette pesanteur retombe. »
Cézanne, Correspondance
La montagne Sainte-Victoire
La montagne Sainte-Victoire est connue du monde entier grâce à Cézanne. Roses, bleues ou blanches, ses hautes falaises s’habillent des couleurs que lui renvoie le ciel. Elles dégagent une puissance indescriptible. Présentant une forme allongée, une sorte d’échine de dragon, aux roches plissées en formes d’écailles, on la reconnaît de loin.
La tradition veut que la célèbre montagne, aussi puissante que dénudée, tire son nom de la victoire de Marius sur les envahisseurs Teutons en 102 avant J.-C. En fait, le nom de Victoire est, plus probablement, comme celui du mont Ventoux, la transformation du mot Venturi, qui aurait jadis désigné en Provence une sorte de dieu celto-ligure de la montagne, christianisé sous la forme de sainte Venture dont la chapelle occupa un moment le sommet.
Le massif de la Sainte-Baume
Le massif de la Sainte-Baume tire son nom de la grotte, baumo en provençal, qu’il renferme en son sommet, où Marie-Madeleine se réfugia pendant près de trente ans. Avant d’adopter son nom chrétien, le massif s’appelait « Gargare » du nom de Garganos, le héros celte qui inspira Rabelais pour devenir Gargantua. Immense créature minérale et végétale, excroissance rocheuse et sauvage, le massif de la Sainte-Baume est une énigme. Il y a 35 millions d’années, d’énormes poussées de la croûte terrestre ont décollé les sédiments calcaires déposés à cet endroit pendant près de 200 millions d’années. Tout un pan de montagne s’est retourné, créant une immense barrière de plusieurs kilomètres de long. Les couches inférieures sont aujourd’hui au sommet de la montagne qui offre une face abrupte au nord, privée de soleil pendant tous les mois d’hiver. Quatre cours d’eau y prennent leur source, cent quatre-vingts gouffres et rivières souterraines creusent leurs galeries, des arbres millénaires y poussent.
Lieu sacré dès l’Antiquité, humide, sombre et mystérieux, le massif de la Sainte-Baume tranche avec l’aspect traditionnel des massifs provençaux. Sa forêt relique ou forêt sanctuaire constitue le dernier vestige des forêts qui couvraient la région il y a dix mille ans. Forêt impénétrable au soleil, elle renferme des essences totalement inhabituelles sous une telle latitude : hêtres, tilleuls, chênes blancs, érables, cornouillers, ifs, sycomores, lierres et houx. Les Grecs venaient y prendre le bois pour leurs navires. Ils l’avaient dédiée à Artémis, déesse de la nature sauvage et de la fécondité. Quelques siècles plus tard, les Romains, dont le poète latin Lucain, la décrivaient comme la terrible forêt sacrée des peuples ligures.